Repousser les frontières du développement : au Maroc, la croissance inclusive passe par le capital immatériel


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En 2014, dans son Discours du trône, l’allocution annuelle prononcée par le roi du Maroc, Mohammed VI insistait sur des aspects peu visibles mais essentiels du développement : la qualité des institutions, de l’enseignement et des relations interpersonnelles au sein de la société. 

Ce discours a amorcé un processus dont le point d’orgue est la publication, aujourd’hui, d’un mémorandum économique intitulé Le Maroc à l’horizon 2040 : Investir dans le capital immatériel pour accélérer l’émergence économique. S’inspirant du discours royal, ce nouveau rapport traite la question de la prospérité future du pays sous l’angle du renforcement de son capital institutionnel, humain et social.

Le mémorandum explique que ce sera davantage « ce que nous ne voyons pas » que « ce que nous voyons » qui décidera du sort de la prochaine génération de Marocains : la célérité et l’équité de la justice plutôt que la rapidité du système de transport, le degré de concurrence plutôt que le nombre de zones industrielles, l’atmosphère de travail dans la salle de classe plutôt que le nombre d’écoles que compte le pays. Cependant, il est nettement plus complexe et difficile d’influer sur l’« infrastructure immatérielle » que sur l’infrastructure matérielle. En d’autres termes, il est infiniment plus simple et rapide de construire un tronçon d’autoroute, une centrale électrique ou une usine automobile que de bâtir la confiance interpersonnelle, les libertés et responsabilités individuelles ou le sens civique, qui constituent le véritable socle du processus de développement.

Des progrès ont été réalisés…

Le Maroc a réalisé des progrès considérables au cours des quinze dernières années : il a amélioré les conditions de vie de sa population, modernisé son infrastructure physique et diversifié son économie. Les stratégies sectorielles qu’il a engagées lui ont permis de développer les chaînes de valeur, d’accroître la compétitivité et la productivité de pans essentiels de l’économie et d’augmenter les recettes publiques.

Or, bien que soutenue, la croissance n’est ni assez forte ni assez inclusive. Les jeunes, en particulier dans les régions sous-développées ou à la traîne, peinent encore à acquérir des compétences techniques, à trouver un emploi et à être économiquement indépendants. Les femmes, surtout dans les zones urbaines, ont un faible taux d’emploi, car elles pâtissent des normes culturelles, de l’absence d’infrastructures adéquates et du manque d’opportunités.

… mais il faut poursuivre les efforts

Le Maroc est toutefois en mesure d’accélérer sa croissance économique et de la rendre plus inclusive. Pour se placer sur la bonne trajectoire de développement et obtenir des résultats positifs sur le long terme, le pays doit veiller à ce que la prochaine génération de Marocains ait accès à l’éducation, acquière des compétences et dispose de services de qualité tout au long de la vie. Comme l’a souligné Bill Gates : « Sur le long terme, c’est le capital humain qui constitue votre principal atout concurrentiel. Le premier indicateur de votre situation dans 20 ans, c’est la qualité de votre système éducatif ».
 
Le Maroc (comme la plupart des pays en développement en phase de rattrapage) présente un potentiel de croissance considérable, mais la concrétisation de ce potentiel se heurte à de multiples problèmes, qui sont enracinés dans l’histoire du pays et ne peuvent être résolus rapidement. Tout comme les femmes se trouvent exclues du marché du travail, et les jeunes des possibilités d'apprentissage, l’économie marocaine est en effet freinée par un certain nombre d’obstacles souvent immatériels, et liés à l’évolution trop lente des relations sociales et institutionnelles. D’où la nécessité de mener des réformes qui lèveront ces obstacles.

Le Mémorandum économique 2017 envisage pour le Maroc une feuille de route vers une croissance durable, qui permettra au pays de rattraper son retard économique. Il propose d’utiliser les atouts dont dispose le pays sur le plan politique (stabilité), institutionnel (valeurs et principes inscrits dans la Constitution de 2011) mais aussi économique, social et environnemental (perspectives d’un accord de libre-échange complet et approfondi avec l’Union européenne) pour bâtir son capital immatériel.

À l’heure de l’économie du savoir et de la révolution numérique, la richesse des nations est moins le résultat du volume cumulé du travail ou du capital physique que de la qualité des institutions, de l’expertise et du savoir, ainsi que des normes d’action collective. Ces moteurs seront aussi in fine les mieux à même de renforcer la cohésion économique et sociale et de placer le Maroc sur la voie d’une convergence durable et inclusive avec les pays développés.


Par Jean Pierre Chauffour - Source de l'article le Blog de la Banque Mondiale

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